Aujourd’hui, la dyslexie est de plus en plus reconnue, comprise et soutenue. Les établissements scolaires mettent en place des aménagements afin d’aider les élèves qui ont besoin d’accommodations comme du temps supplémentaire ou le droit à l’ordinateur, mais ça ne suffit pas toujours et surtout, il y a de grandes différences entre les établissements scolaires.
Comment se manifeste la dyslexie auprès des étudiants et comment cette condition a un impact sur leur vie en général? Dorian Endico partage avec nous son expérience.
Dorian Endico est un jeune homme de 18 ans qui a été diagnostiqué dyslexique dès l’âge de 8 ans. Il n’a cependant pris connaissance de son handicap qu’à l’âge de 17 ans où il a réellement pris conscience de l’ampleur de sa condition. Dorian a toujours été très créatif, en plus d’avoir beaucoup de talent dans diverses activités (cuisine, origami, magie, judo, etc.), il donne des cours de guitare en plus d’avoir une chaîne YouTube sur laquelle il poste des compositions faites avec d’autres artistes. Aujourd’hui il a accepté de partager avec nous son parcours.
Une éducation difficile
On ne peut le nier, le rôle de l’environnement des institutions scolaires dans l’inclusion des élèves ayant un handicap invisible (tel que la dyslexie, la dyspraxie, l’anxiété, le TDAH, etc.) est déterminant. Au Canada, nous avons beaucoup de chance puisque notre système scolaire propose plusieurs pistes d’intervention et d’accommodations pour accompagner ces élèves, mais est-ce aussi le cas pour les étudiants dyslexiques de Rouen?
Pour Dorian, le parcours scolaire a été une période particulièrement difficile. Son handicap étant invisible, il a été difficile pour lui d’avoir accès à des accommodations et de se faire accepter par ses pairs qui ne connaissaient que très peu ou aucunement cette condition.
« Aujourd’hui je suis plus que révolté par rapport au système scolaire. Les aménagements du primaire jusqu’au lycée sont très peu pris en compte. Je pense que je dois parler aussi des profs qui refusent d’aider les élèves. Pour ma part j’ai été victime de harcèlement scolaire sur plusieurs années. On m’a fait comprendre que je n’y arriverais pas. On m’a empêché d’aller en S, une prof de physique chimie m’a rigolé au nez lorsque je lui ai dit que je voulais participer aux olympiades de chimie. D’autres m’ont clairement dit que mon ordinateur en cours leur « apporte des difficultés » pour être polis. En bref je pense qu’on en bave ! » explique Dorian Endico.
Le plus douloureux pour lui, ce sont les étiquettes auxquelles les professeurs le rattachaient : « élève en difficulté », « cours non-appris » en plus de certaines de leurs remarques rabaissantes.
Le rôle majeur des enseignants
Il semble évident que les professeurs jouent un rôle majeur dans la création de la confiance en soi des élèves. L’incompréhension de certains pour les handicaps invisibles et le manque de formation sur les outils de compensation compliquent grandement l’intégration de ces étudiants. La perception que les enseignants ont de leurs élèves influence directement la vision que ces élèves ont d’eux-mêmes. C’est une grande responsabilité pour le personnel enseignant qui en a souvent déjà énormément sur les épaules.
Le manque de ressources de l’école a rendu difficile son parcours scolaire. Même s’il demandait à avoir des outils d’aide, aucun professeur n’avait les ressources ou les connaissances pour l’aider. Selon Dorian, le meilleur moyen d’adapter l’éducation pour aider les personnes dyslexiques est d’offrir une formation aux jeunes professeurs dès leurs études, sur les handicaps invisibles, les outils existants et les accommodations qui peuvent être mises en place.
Suite aux commentaires qu’il a reçus, il était déterminé à prouver sa valeur et c’est ce qui l’a poussé à travailler encore plus fort pour qu’il obtienne, récemment, son BAC S en chimie.
Son rapport avec les autres
Les écoles représentent beaucoup pour les jeunes qui les fréquentent. Elles sont à la fois : un environnement qui touche directement leur épanouissement personnel, social et intellectuel, en plus d’être un milieu où les enfants apprennent à communiquer et à interagir avec les autres. L’adaptation scolaire et avec les camarades joue un rôle majeur dans le développement de l’estime de soi, mais aussi dans le développement de la personne aux différentes étapes de sa vie. Les handicaps invisibles peuvent créer une barrière à cette adaptation sociale lorsque les autres personnes perçoivent une différence chez un jeune sans la voir ni la comprendre.
Dorian soutient à quel point il est difficile d’être différent sans que personne ne s’en rende compte. Il affirme que sa condition a grandement nui à sa relation avec les autres. De nature timide, il éprouvait déjà des difficultés à approcher les autres et sa condition ne facilitait pas le processus. Il est difficile pour les personnes dyslexiques de se faire soutenir par leurs pairs lorsque personne ne comprend ou ne voit leur handicap.
Comme tout le monde, les dyslexiques se comparent beaucoup aux autres et éprouvent parfois de la frustration vis-à-vis de leurs pairs ou amis : « on est différent et on se sent en infériorité dans tous les domaines scolaires. Je me suis déjà disputé avec des amis très proches parce que je les enviais. » explique Dorian.
Les difficultés qu’il a éprouvées au niveau social ont été marquantes pour lui. Il a d’ailleurs dû avoir recours à un psychologue pour l’aider à traverser cette épreuve. Son décalage avec les autres marque encore sa vie aujourd’hui.
Selon lui, le soutien d’autres personnes vivant la même situation qu’eux est essentiel pour aider les dyslexiques à réussir. Un tel support leur permettrait de partager leurs expériences avec des personnes qui comprendraient ce qu’ils vivent, qui les accepteraient et qui sauraient comment les aider.
Son appréhension du milieu professionnel
N’ayant que 18 ans, il n’a pas encore exploré le milieu professionnel, mais il appréhende déjà des barrières potentielles à sa future intégration.
« Je pense que ça sera difficile par rapport aux langues. Aujourd’hui, il faut avoir des bases en anglais pour pouvoir rentrer là où on veut et on sait que l’anglais (comme l’espagnol et même le français) c’est compliqué pour les dys. » soutient Dorian Endico.
Il pense qu’un outil d’aide en anglais est nécessaire pour faciliter son intégration dans le monde professionnel et pour lui donner de l’assurance.
La recette du succès
Son parcours rocambolesque a cependant permis à Dorian de se trouver des trucs pour s’aider lorsqu’il en a trop sur la patate !
Sa recette secrète : la persévérance ! Il a trouvé sa propre façon de fonctionner qui est efficace et qui lui convient. Quand il a quelque chose à faire, il attend tout d’abord le bon moment pour le faire et prend tout le temps dont il a besoin sans se mettre de pression. Si vous avez accès à du temps additionnel pour faire un exercice ou un examen, n’hésitez pas à le prendre pour vous aider. Comme le cerveau d’une personne dyslexique passe par plus de neurones, il est normal qu’elle puisse avoir besoin de plus de temps pour assimiler toutes les informations dans certains domaines.
Dorian a aussi reçu une aide majeure et considérable : le soutien de ses proches et de certains professionnel.le.s de l’éducation. Leur support et leur aide a été un élément essentiel dans son parcours. Il n’y a rien que sa famille et ses proches n’ont pas fait pour l’aider dans son parcours et c’est aussi grâce à eux que cette réussite a été possible.
Un combat de longue haleine
Les embuches scolaires et les difficultés sociales que Dorian a vécues ont beaucoup marqué Sandra Endico, sa mère.
« Les profs ne savent pas ce qu’est la dyslexie ni la dysorthographie. En tant que parent, on se sent vraiment seul. C’est moi qui ai fait toutes les démarches pour les aménagements. C’est un combat de longue haleine », explique-t-elle.
Sandra a été très présente durant les études de son garçon, elle n’a pas hésité à se déplacer souvent pour rencontrer les professeurs qui ne suivaient pas le PAP de son fils. Les parents de Dorian sont prêts à tout pour que leur garçon ait le meilleur support possible. Ils lui apportent quotidiennement une grande aide avec ses devoirs, mais ça ne s’arrête pas là.
« Encore maintenant j’écoute les cours en visioconférence avec lui, même si je n’y comprends rien, ça le soutient. Nous avons aussi la chance d’être disponibles en tant que parents par rapport à nos horaires », confie-t-elle.
Le mot de la fin
C’est encore difficile pour Dorian de vivre avec sa dyslexie, mais aujourd’hui il n’en a plus honte, il arrive à l’afficher et à en rire.
Parfois, il a du mal à passer outre son trouble et à ne pas se mettre de barrières. Avec l’aide de professionnels spécialisés (orthophonistes, ergothérapeutes, psychologues), il arrive à cheminer malgré ses difficultés.
S’il y a bien quelque chose dont Dorian est fier, c’est d’avoir persévéré pour avoir non seulement obtenu son diplôme, mais aussi pour avoir créé sa propre chaîne YouTube avec ses propres compositions. Il y a de quoi être fier !
Son conseil pour aider les personnes vivant la même situation que lui : « Faites autre chose que l’école. Du sport, de l’art, n’importe quoi ! »
Si vous avez des questions pour Dorian, vous pouvez le contacter directement sur sa page Facebook.
Pour ceux et celles qui veulent encourager Dorian, vous pouvez vous abonner à sa chaîne youtube. Il a un grand potentiel !
Voici un extrait de sa chanson : Aime-Moi.
Nous avons récemment découvert un fantastique blogue : Culture Dys.
Si vous êtes européens et que les procédures et accommodements offerts aux personnes dyslexiques, les avantages de la mise en place des PAPs, et l’importance des ergothérapeutes et des orthophonistes dans votre région vous intéressent, consultez le blogue de Culture Dys et encouragez l’auteur en allant lire ses articles.
Sur ce blogue, vous trouverez des informations et des astuces tirées de l’expérience de l’auteur, un dyslexique/dysorthographique qui a eu un parcours ponctué d’embuches (phobie scolaire, refus d’aménagements…).
Article rédigé par Jannick Bélanger
Jannick est stagiaire en communications et marketing numérique chez Haylem. Membre de l’équipe Lexibar depuis octobre 2020, elle accorde une grande importance à la cause des personnes vivant avec un trouble ou des difficultés d’apprentissage. Elle a récemment terminé son baccalauréat en communication marketing à l’UQAM. Elle accorde une grande importance au respect de l’environnement, au droit à l’éducation et la justice sociale.